Avoir de l’argent à ne pas savoir qu’en faire…

En adoptant pour les dépôts des banques un taux négatif de -0,40%, la BCE faisait une entrée hasardeuse dans des territoires inconnus, là où elle n’avait jamais pénétré et ou la théorie n’était plus d’aucun secours (comme si elle ne l’avait jamais été d’ailleurs !). Aucune catastrophe particulière n’en a résulté, si ce n’est la poursuite de l’instabilité du système financier qui était déjà engagée, mais les conséquences n’en ont pas manqué.

Les fonds monétaires en présentent la plus déconcertante, offrant à leur tour des taux négatifs variant en France de -0,19 à -0,29% tout en bénéficiant d’une grande ferveur des investisseurs. En trois ans, les encours des fonds monétaires sont passés de 280 à 350 milliards d’euros, selon Thierry Goudin, directeur du développement pour Groupama AM. Avec eux, les investisseurs sont certains de perdre en toute sécurité dans un monde financier où il devient difficile de placer ses liquidités et où les déposer à la banque n’est plus une solution. Les fonds monétaires sont la moins mauvaise d’entre elles…

La question ne peut manquer d’être posée : qu’est-ce donc que ce monde où l’argent ne rapporte plus ? Serions-nous passés sans nous en rendre compte sous le régime de la monnaie fondante de Silvio Gesell qui se déprécie toute seule ? Les emprunteurs auraient-ils désormais vocation à percevoir des intérêts par un extraordinaire renversement de situation ?

Nous n’en sommes évidemment pas là. Si les fonds monétaires sont si attirants, c’est en raison de leur grande liquidité et de la stabilité de leur performance, et si les banques ne recherchent pas les gros dépôts outre-mesure, c’est qu’ils accroissent la taille de leur bilan, accentuent leur effet de levier et génèrent des contraintes réglementaires supplémentaires en terme de coûteux capitaux propres, au titre de Bâle III. À force de progresser, le marché des actions devient risqué, et en raison des faibles taux le coût des obligations est élevé. Le métier de capitaliste n’est pas toujours la sinécure que l’on croit…

Comment en est-on arrivé là ? La raison est d’une grande banalité : la masse des liquidités a progressé plus vite que l’économie, et les rendements auxquels la spéculation peut prétendre sont sans commune mesure avec ceux que génèrent les activités économiques. Conduisant à suggérer pour y remédier, toutes choses étant égales par ailleurs, que les rendements des produits financiers soient plafonnés !

Les banques centrales portent une grande responsabilité dans la progression de la masse des liquidités, ayant cherché – et réussi – à éviter le gel des activités financières, qui était mortel au système. Car il ne trouve sa stabilité qu’aux prix de ses transactions perpétuelles. Peut-on avoir la naïveté de croire qu’elles vont réduire la taille de leur bilan pour lui redonner celle d’avant la crise ? Seront-elles en mesure d’assécher dans leur totalité les liquidités qu’elles ont abondamment déversé sur le marché ? Ou doit-on dès maintenant en douter, la disproportion entre la taille des actifs financiers et celle de l’économie devenant alors une donnée dont il faudra tenir compte ? Ce qui renvoie à la question essentielle : comment réduire cette masse menaçante à part interdire la spéculation sur le prix des actifs financiers, totalement découplée de l’activité économique comme le propose Paul Jorion ?

5 réponses sur “Avoir de l’argent à ne pas savoir qu’en faire…”

  1. Une situation qui marque la subordination de la sphère politique à la sphère financière. Après le krach de 29, l’administration Roosevelt avait fait juger et condamner les « barons voleurs », attitude à l’opposé de la soumission d’un Barak Obama, qui non contant de laisser les criminels en liberté, les a laissé devenir encore plus nuisibles pour l’économie mondiale.

    Paul Jorion pense que nous sommes une espèce intelligente, le doute est quand même permis…

  2. Le capital n’accepte que l’impôt qu’il s’auto-administre !

    Pas pour financer le bien commun comme l’impôt citoyen ,mais pour maintenir le système qui maintient sa rente et sa domination sur la Cité .

    A quand le prélèvement à la source automatique sur le capital ?

  3. qui est Paul Jorion ? Un futur député européen ? 😉

    sinon, ces politiques des banques centrales, à part gonfler les actifs financiers, alimenter les transactions financières pour tenir les indices… faire tenir un système à tout prix. Dans les faits, de beaux discours théoriques, de belles annonces, mais rien dans la pratique.

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